Suite des aventures des héros du big-three mieux connu, désormais, sous le nom des Invaders, et qui débutait avec le 10ème épisode de la série introduisant la reprise d’un numéro de Captain America parue dans les années 40 (Captain America Comics #22), là où était attendu la suite de la mini-saga mettant en scène la famille Falsworth.
En résumé, sur le chemin du retour qui ramenait les Invaders, Union Jack et sa fille, gravement blessée, vers un hôpital militaire, l’évocation de « la grande faucheuse » ravivait chez Cap le souvenir d’un combat contre le Grim Reaper…
Fallait-il voir en cette réimpression un subterfuge des auteurs à un numéro n’ayant pu être bouclé selon la deadline promise (le titre ayant désormais le privilège d’une parution mensuelle), la piste est plus que probable, toujours est-il qu’aussi satisfaisant soit l’hommage offert par Roy Thomas à un artiste du golden age (Al Avison), participant ainsi à l’idée directrice de la série (éduquer le lecteur jeune et moderne à tout un pan de l’histoire du comic des années 40), on ne pouvait qu’éprouver un certain sentiment de frustration à la lecture de ce numéro, après l’attente provoquée par le final de « An Invader No More! » (voir la 1ère partie de l’article).
Mais dès les premières pages de « Night Of The Blue Bullet ! » (#11), les dessins de Frank Robbins invoquaient tant de tension (l’espace réduit des cases pour illustrer l’état d’urgence de la situation) et de rythme que l’on était assuré d’une chose : les Invaders étaient bel et bien de retour !
Dans ce numéro, pour que survive Jacqueline Falsworth aux blessures infligées par le Baron Blood (The Invaders #9), la Torche, seul donneur compatible avec la victime, se portait volontaire pour que lui soit transfusée son sang… d’androïde !
Pendant ce temps, tandis que le reste de l’équipe découvrait que le sous-sol de l’hôpital abritait les curieux travaux d’un certain professeur Gold, l’on apprenait que Lord Falsworth alias Union Jack était paralysé à vie. Et comme pour tout bon épisode de The Invaders il fallait , et un méchant haut-en-couleurs, et un rebondissement de taille, le professeur Gold –travaillant en réalité pour les nazis- revêtait une armure en forme de rocket humaine pour détruire l’équipe des plus grands super-héros de la seconde guerre mondiale, alors que la fille de Lord Falsworth, conjointement sous la transfusion du sang de la Torche et de celui infecté par la morsure du Baron Blood, acquérait des superpouvoirs !
Comptant désormais un membre de plus sous l’alias de Spitfire, les deux numéros suivants (« To The Warsaw Ghetto! » et « The Golem Walks Again! ») emmenaient les Invaders en Pologne à la recherche du frère du professeur Gold : Jacob Gold…stein.
Ainsi, autour du mythe juif du Golem, ces épisodes évoquaient les ghettos de Varsovie comme était soulevé « la banalité du mal », ou la soumission psychologique des hommes et femmes de ces ghettos par le régime nazi (les dialogues entre Cap et Jacob Goldstein).
Et face à un ennemi aussi hideusement grotesque que sans envergure, l’on devait toute la réussite de ces numéros à l’introduction du personnage du Golem, développé comme un « conte & légende » salvateur et chargé de figure, à la résistance juive.
S’ouvrant sur un combat aérien opposant la RAF aux junker nazis, au beau milieu duquel surgissait l’aéronef des Invaders (et une superbe entrée en matière dessiné par Frank Robbins), les numéros 14 et 15 assuraient l’apparition d’un nouveau groupe de super-héros, britannique ceux-là, The Crusaders!
On pouvait craindre, à l’évocation d’une telle équipe, que ne soit calqué le même motif littéraire du double dont s’était repait Roy Thomas lors de l’introduction de la Liberty Legion dans Marvel Premiere #29.
En vérité, l’apport des Crusaders (inspiré des héros issus de Quality Comics) sur « Calling… The Crusaders! » et « God Save The King! », allait permettre à Thomas de tisser, notamment, les fils d’une sous-intrigue mettant en jeu Lord Falsworth et un des héros des Crusaders, le minuscule Dynamite.
Trompé par leur mentor (également agent nazi : la 5è colonne, toujours et encore !), les Crusaders allaient, sans se douter, être responsable d’une tentative d’attentat sur sa majesté George VI, finalement déjouée par l’équipe de Captain America.
Se concluant par les interrogations des membres des Invaders au départ soudain de Lord Falsworth, Spitfire et Dynamite pour l’Allemagne, l’intermède d’un annual, qui revenait sur les exploits des héros du big-three dans des strips inédits, dessinés par d’anciennes gloires du golden age (Alex Schomburg, Don Rico et Lee Elias), faisait souffler le lecteur avant que ne débute ces superbes épisodes où il fallait… sauver le soldat Biljo White !
Si Jim Mooney remplaçait le temps d’un numéro Frank Robbins à l’illustration (#16), c’est plus que jamais au contrôle de sa création que Roy Thomas allait faire montre, une fois n’est pas coutume (pour toujours et à jamais serais-je même tenté d’écrire !), de sa maitrise absolue de la narration d’un comic-book.
Débutant par la capture par les nazis d’un soldat américain, Biljo White (en réalité, le nom d’un vieil ami de Roy Thomas, rédacteur de fanzine!), soupçonné par le reich d’être en possession de la formule du super-soldat (dessinateur de comic-book dans le civil, White a en effet crée un personnage de fiction, le Major Victory, aux origines identiques à celle de Captain America !), l’épisode intitulé « The Short, Happy Life Of Major Victory » propulsait les Invaders à la rescousse du private White, fait prisonnier à… Berchtesgaden !
Abattu en plein vol alors qu’ils approchaient de la forteresse nazie, les Invaders affrontaient un Master-Man plus puissant que jamais.
Capturés, nos héros allaient , dés lors, faire face à leur plus grand ennemi, un genou malheureusement à terre :
– Cap! Is it really…?
– It is Bucky!
– It’s Adolf Hitler!
Articulé autour de ce fameux comic-book dessiné par le soldat Biljo White qui faisait peur au régime nazi et au reich lui-même (et à Roy Thomas ainsi d’invoquer l’analogie avec l’effort de guerre satisfait par les comics dans les années 40), « The Making Of Warrior Woman, 1942! » voyait l’arrivée d’une nouvelle méchante, une officier nazie transformée en montagne de muscle germanique par une reproduction du sérum du super-soldat.
Objet de tous les fantasmes par Frank Robbins de retour à l’illustration, ce dernier la dessinait vêtue d’un corset de cuir, de longues bottes et munie d’un fouet, comme dans la plus perverse des nazisploitation !
Sur le chemin de cette dérive, Adolf Hitler ordonnait le mariage et la copulation de Warrior Woman et du Master-Man, afin que lui soit donné un héritier aryen dans toute sa pureté (« Enter The Mighty Destroyer! », The Invaders #18) !
Dans ce même numéro, le Destroyer (héros de l’ère Timely Comics) luttait aux côtés de Captain America, avec pour conséquence de voir son apparition venir directement se greffer sur la sous-intrigue mettant en scène Lord Falsworth, Spitfire et l’un des membres des Crusaders, Dynamite.
Toute la fascination de la lecture de ces épisodes -s’étalant des numéros 16 à 21- se manifestait par l’orchestration de Roy Thomas à diffracter le récit en une introduction de personnage, de case ou de dialogue, nourris en plus par des cliffhanger proprement hallucinants.
On relèvera ainsi le retour de Union Jack (!!!) dans « War Comes To The Wilhelmstrasse! », ou bien cette dernière page de « Enter The Mighty Destroyer! » dans laquelle, après avoir libéré le soldat Boljo White, le Destroyer et Captain America apprenait que les Invaders était en route pour Berlin afin d’y être exécuté, nous valant ces mots du héros à la star-splanged banner :
« Then… to Berlin ! And if Adolf Hitler has harmed Bucky… or any of the Invaders… By the time we reach them… Then, for the first time in his life… Captain America will commit cold blooded murder!! This I swear! ».
Et du rôle des jeunes Bucky et Toro dans ces épisodes, l’idée était bien évidemment de relever toutes les notions de symbole –de l’inexpérience au courage- que cette guerre menée sur le front par la jeunesse militaire contre le nazisme, représentait.
Entre revival, hommage et amour passionné de ces super-héros des années 40, dessinés en plein milieu des 70’s, Roy Thomas et Frank Robbins laissait une empreinte définitivement indélébile à tout amoureux du genre.